Quelle place pour le télétravail dans le monde de demain ?
François Humblot, directeur associé Grant Alexander
Le confinement de la moitié des habitants de la planète pendant la pandémie du COVID 19 a donné un coup d’accélérateur au télétravail.
Une grande majorité des dirigeants d’entreprise l’ont mis en place, précipitamment, même ceux qui le décriaient il y a quelques mois. Dans une grande partie des secteurs de prestations intellectuelles (sociétés de conseil, bureaux d’études, ESN, éditeurs de logiciels…), on s’est rendu compte que quasiment cent pour cent de l’activité pouvait être faite en télétravail. Certains grands groupes (PSA en tête) ont déjà décidé que le télétravail serait la nouvelle norme d’organisation et que le « présentiel » serait l’exception.
Ce mouvement est-il irréversible ? C’est maintenant qu’il faut se poser la question et commencer à y répondre.
Pendant la période de confinement, l’évidence de la mise en place du télétravail s’est vite imposée. Beaucoup de salariés se sont rendu compte, après quelques jours d’adaptation parfois difficiles, que c’était finalement la meilleure solution pour continuer à travailler, empêcher la mise à l’arrêt complet des entreprises et, par là même, réduire au moins partiellement les risques sociaux-économiques.
Aujourd’hui, un premier bilan commence à se faire jour et chacun commence à son niveau à tirer des premières conclusions.
Les salariés sont partagés.
– Certains ont plébiscité ce nouveau mode de vie en développant, suivant les cas, plusieurs types d’arguments :
- Gagner du temps en évitant une grande partie des trajets domicile-bureau,
- Limiter les risques sanitaires en évitant les transports en commun perçus comme dangereux,
- Pouvoir consacrer plus de temps à sa vie de famille,
- Eviter le stress de la vie citadine. Une partie de ces nouveaux adeptes envisage même de déménager à la campagne ou dans des plus petites villes pour améliorer leur qualité de vie et ne venir sur leur lieu de travail que quelques jours par mois.
– D’autres ont très mal vécu cette vie forcée à domicile et en soulignent les multiples inconvénients :
- Tensions familiales générées par une trop grande proximité et le manque d’espace,
- Difficulté à séparer le temps de travail du temps de repos,
- Tension nerveuse générée par le temps passé devant un écran, soit seul, soit en visio-conférence,
- Manque de contacts humains et échanges plus difficiles avec les collègues de bureau.
Parmi les dirigeants, il y aussi des partisans et des détracteurs.
Ceux qui sont positifs disent que :
- Le télétravail est un moyen de diminuer le poste loyer dans les charges de l’entreprise en reconfigurant les espaces de travail,
- La productivité est meilleure en télétravail car il n’y a pas de temps perdu dans une journée en transports et en relations humaines inutiles,
- Le télétravail implique un nouveau mode de management qui est plus orienté objectifs et résultats et qui responsabilise les salariés.
Ceux qui sont critiques remarquent que :
- Les échanges, le partage et la communication dans le travail sont rendus plus difficiles par l’éloignement et que cela risque à moyen et long terme de brider l’innovation et d’appauvrir le travail en équipe,
- Le manque de contacts humains a une influence négative sur l’ambiance de travail, ce qui risque d’influer négativement sur la motivation des salariés et leur performance,
- L’isolement peut causer le décrochage de certains salariés sans que le management puisse s’en rendre compte à temps.
Les organisations salariées sont particulièrement vigilantes. Elles font toutes remarquer que le télétravail ne doit pas s’improviser, qu’il doit être négocié par les partenaires sociaux et organisé dans des accords d’entreprises, comme c’était déjà le cas avant dans certains endroits. Si des groupes comme PSA considèrent que le télétravail va être la norme, tous les accords sur l’organisation de la vie au travail et le temps de travail devront être renégociés, ce qui va bouleverser le code du travail.
Tous ces points de vue sont pertinents. Ils ne sont que les premiers enseignements tirés à chaud de la période récente. La réflexion doit être approfondie et les mois qui viennent vont voir les idées foisonner sur ces sujets.
Les négociations commencent à s’engager dans les entreprises, grandes et petites, dans un contexte de crise économique qui va frapper la majorité des entreprises à court terme et durablement certains secteurs comme l’aéronautique, les compagnies aériennes, l’hôtellerie restauration et une partie des commerces.
Le télétravail sera un élément de négociation dans les plans de restructuration qui vont être lancés à partir de la rentrée de septembre.